L'électronique tue-t-elle la table à carte?

   En 1985 lors d’une de mes premières traversée vers la Corse sur Tangaloa ( lourd bateau en bois de 8,50m) les aides à la navigation, comme on les appelle, étaient peu nombreuses : un compas (la direction), un loch (la distance) , avec un report toutes les heures sur la carte on arrivait où on voulait…ou à peu près. Cela s ‘appelle l’ESTIME. Quelle surprise, quelle satisfaction ! Nous n’étions pas très loin des conditions de navigation des bateaux arpentant la Méditerranée dans les siècles précédents . Je n’avais pas de pilote automatique et ne voyait d’ailleurs pas l’intérêt d’un engin couteux et fragile, alors que barre amarrée le bateau tenait son cap avec plus ou moins de bonne volonté. Parfois de façon aléatoire. 

    Mais déjà l’électronique pointait . Le loch était électronique , on avait une radio qui fournissait une météo à 48 heures que l’on écoutait religieusement.  Par la suite s’est ajouté la goniométrie qui a ajouté des indications pour « recaler » l’estime, c’est à dire remettre un peu de précision dans l’imprécision.  Cela restait relativement rudimentaire et nécessitait beaucoup de manipulations qui faisaient partie du plaisir. On passait pas mal de temps à la table à carte et quand la mer était agitée l’estomac appréciait beaucoup moins l’exercice. 

    Le pilote électrique  s’est imposé avec le bateaux modernes dont la maniabilité a gagné ce que la tenue de cap y a perdu et qui nécessitent une plus grande attention et ne peuvent, en général, pas être livrés à eux-même.

     Deux changements sont arrivés coup sur coup qui ont changé les règles du jeu . Le premier de ces changement est évident et pas seulement en mer, c’est le GPS. Un bouton et la position est inscrite sur un écran avec une précision inégalable . Le deuxième changement moins évident est le progrès de la météo et de ses moyens de diffusion. C’est la diffusion des GRIBs. « Grilles » sur des cartes météo mondiales avec dans chaque maille, les informations sur le vent, la pression, la température, les vagues….  

               - Le GPS : dès le début sa précision a été largement suffisante pour nous , inespérée même, moins d’un mille là où 5 à 10 milles nous suffisaient. Puis le jour où le point GPS a été directement positionné sur une cartographie électronique un enfant pouvait tracer sa route partout dans le monde.

              - La METEO a évoluée de façon moins spectaculaire, mais la disponibilité à bord de cartes avec avec les informations de vent en direction et force, de pression et autre,  grâce à internet par WiFi puis téléphone nous a offert les éléments de prévision insoupçonnable auparavant .

        En  combinant ensemble ces deux évolutions nous en arrivons au ROUTAGE . C’est en gros un tableau de marche heure par heure sur un trajet prévu. A chaque instants on peut analyser à l’avance les conditions que l’on va rencontrer , prévoir les sautes de vent, anticiper sa route , calculer une heure départ optimale …Cela change énormément par rapport à la météo que vous pouvez voir à la télé.  Depuis les années 2000 l’évolution est considérable dans la précision, la fiabilité et la finesse de l’analyse.  Mais cela reste un ensemble analyses dont nous devons tout de même faire une synthèse . Critiquer , critiquer sans cesse les informations pour approcher au mieux  la situation réelle . 

       Voilà une nouvelle activité qui nous retient à la table à carte, passionnante en plus d’être utile et qui nous occupe largement. Nous n’abandonnerons donc pas cette place où il y a toujours carte papier, crayon, compas pointes sèches, et règles auxquels il faut ajouter l’ordinateur indispensable pour exploiter tout ces renseignements.

 Voilà un routage avec le point noir sur la route que l'on va faire avancer en même temps que l'évolution météo.

Voilà l'exemple d'un tableau de marche.

 En ce moment les prévisions météo sont tellement changeantes que nous ne savons pas encore à quelle sauce on va être assaisonnés.       Il a encore pas mal d'imprévu pour épicer la sauce! 

Ce soir J'ai récupéré mon équipage , Myr est à bord avec des provisions de frais. Le vent semble déjà mollir après une journée fort "aérée". Demain Djambo nous rejoint puis .... on verra les variation de la météo en mieux ou en moins bien. Maintenant nous sommes en route et c'est les opportunités qui nous guideront. Les programmes stricts sont seulement pour les terriens.